La trilogie berlinoise, tome 2 : La pâle figure

Deuxième plongée dans la trilogie berlinoise de Philip Kerr et j’aime toujours autant, si ce n’est pas plus !

Quatrième de couverture.

Septembre 1938. Tandis que la ville croule sous la chaleur, les Berlinois attendent avec anxiété l’issue de la conférence de Munich.
Engagé par une riche veuve pour retrouver l’individu qui la fait chanter, le détective privé Bernhard Gunther se trouve plongé, lui, dans les méandres de la médecine psychiatrique moderne… avant de se voir contraint par Heydrich de prendre les rênes d’une enquête bien particulière : retrouver le tueur en série qui hante les rues de Berlin depuis quelques semaines, s’attaquant à des adolescentes.
Mais s’il obtient le privilège d’être nommé « Komissar », Bernie est encore loin d’imaginer que son investigation le mènera au plus profond des coulisses du pouvoir nazi… là où même lui, le cynique que rien n’étonne, se laissera surprendre par « le criminel à la pâle figure »…

Mon avis.

Deuxième opus de la trilogie berlinoise, Philip Kerr signe ici un roman de grande qualité.
Le côté « polar » est très présent dans ce second tome, en tout cas plus que dans le premier et l’histoire nous tient en haleine du début à la fin.

Au commencement, notre Bernie est invité par une Dame Lange a enquêté sur un maître-chanteur qui lui demande toujours plus d’argent contre son silence : il détient en effet des lettres compromettantes écrites par son fils à son amant, le docteur Kindermann.
Cette première affaire est vite résolue par Bernie et son associé, un ancien collègue flic, Stahlecker, lequel va se faire tuer lors de la dernière filature.
Heydrich demande alors à Bernie de rejoindre l’Alex en tant que « komissar » pour résoudre une affaire où un serial killer semble être impliqué : des jeunes adolescentes allemandes sont retrouvées mortes un peu partout dans Berlin.

L’histoire est vraiment prenante : un serial killer qui sévit à la barbe des policiers, des indices qui se font rares et évidemment la faute rejetée comme d’habitude à cette époque sur les Juifs !
Pourtant, au début, j’ai eu un peu de mal à accrocher, je ne retrouvais pas l’élément central qui m’avait tant fait aimer le premier : le fond historique sur lequel était posée l’histoire. On parle moins de l’Allemagne nazie, on la vit moins à travers ce second tome que le premier.
De même, lors de la première partie de ma lecture, je trouvais que Bernie était passé vite à autre chose après la mort de son associé : on lui dit qu’un tel l’a tué, on ne lui laisse pas le temps d’enquêter qu’on le réquisitionne ailleurs… Il me semblait que proches comme ils l’étaient, Bernie aurait essayé au moins pendant son enquête d’approfondir la chose, mais non… comportement assez bizarre de la part de mon détective préféré.
Pourtant, la seconde partie du roman va balayer ses reproches assez rapidement : la noirceur de l’Allemagne de 1938 va revenir au galop apportant des détails plus que sordides sur l’avant seconde guerre mondiale.
De plus, j’ai beaucoup aimé le fait que la première enquête de Bernie – que j’avais jugé (trop vite) inutile à la moitié du récit – va revenir elle aussi au premier plan pour expliquer certains liens entre les personnages : du pur génie !

Comme je vous le disais, le côté historique se fait moins sentir dans ce second tome : ceci dit, l’auteur aborde quand même des évènements assez particuliers comme le problème des Sudètes (grâce à ce livre, je me refais un petit cours d’histoire en me renseignant sur les problématiques abordées) :

Sudètes : Les Allemands des Sudètes ou simplement les Sudètes, désignaient les populations germanophones majoritaires dans la Région des Sudètes, en Bohême et Moravie. Les Sudètes désignent également la région montagneuse du nord-est du pays située le long des frontières du Grossdeutschland (« Grande Allemagne »).

La crise des Sudètes : Le 29 et 30 septemvre 1938, Hitler, poursuivant les objectifs pangermanistes de l’ Allemagne et se faisant alors le champion du principe des nationalités, déclare vouloir « libérer les Allemands des Sudètes » de l’« oppression » tchécoslovaque. Hitler affirme ses revendications en s’appuyant sur les agitations de l’organisation nazie local. Le Führer évoque le « droit des nations » pour exiger de Prague l’annexion au Reich de Région des Sudètes. Il annonce aux Français et aux Britanniques qu’une fois ce dernier problème territorial résolu, l’Allemagne se contentera de ses nouvelles frontières en Europe. L’ Europe connaîtra ensuite la paix pour mille ans. Le Führer obtiendra gain de cause avec l’aval du président du Conseil français Édouard Daladier, du Premier ministre britannique Neville Chamberlain et du duce italien Benito Mussolini, lors de la signature des accords de Munich, le 29 septembre 1938.

Source : Wikipedia

De plus, dans le récit en lui-même, le côté historique est très présent vu que Philip Kerr met en scène des personnages réels comme Himmler lui-même ou encore Karl Maria Weisthor. Il y a certes un côté fictif qui entoure ces personnages mais un peu de recherches suffit à faire la part des choses entre réalité et fiction. Il y a de plus une note de l’auteur en fin de roman qui donne des détails supplémentaires, c’est très appréciable.
La fin du roman est encore une fois dure, car malgré ses efforts de notre héros, toujours aussi cynique, la situation ne change pas… tout devient prétexte pour faire misère aux Juifs et malgré les accords de Munich, on se rend bien compte que Hitler cherche des prétextes pour entrer en guerre contre la France et l’Angleterre.

Quelques extraits :

« Personnellement j’en étais arrivé depuis longtemps à la conclusion que Hitler trompait tout le monde depuis des années avec ses déclarations pacifistes. Et j’avais vu assez de westers pour savoir que lorsque le type au chapeau noir cherche querelle au petit malingre debout au bar à côté de lui, c’est en réalité le shériff qu’il veut provoquer. Dans ce cas particulier, le shériff était français, et il était évident qu’il n’avait pas la moindre intention de faire quoi que ce soit, hormis s’enfermer dans son bureau en se répétant que les détonations qu’il entendait dehors n’étaient que des explosions de pétards. » (page 517)

« Depuis 1933, se faire casser sa vitrine était devenu un risque du métier pour tout commerçant juif, un trait aussi caractéristique du nazisme que les bottes noires ou le swastika. Cette fois, pourtant, c’était différent, car les destructions avaient été beaucoup plus systématiques que les habituels dégâts causés par une bande de brutes SA avinées. Cette nuit-là avait été une véritable Walpurgisnacht de destruction.
Le verre brisé couvrait le sol comme les pièces d’un immense puzzle de givre répandu sur terre par quelque irascible prince du cristal pris d’une crise de fureur. » (page 649)

Dès lors, on ne comprend pas la traduction du premier tome en L’été de cristal quand on sait que les évènements qui ont donné lui à la fameuse nuit de cristal (entre le 09 et 10 novembre 1938) sont contés dans le second tome intitulé « La pâle figure » (pour plus d’informations sur cette nuit : wikipedia). Encore une incompréhension supplémentaire au niveau de la traduction qui fait perdre un peu la crédibilité à l’oeuvre, selon moi…

Je ne m’attarderais pas sur le volet « personnages » et « écriture » vu que je n’ai d’autres remarques à formuler que celles déjà faites dans ma chronique du premier tome.

En conclusion, j’ai encore passé un excellent moment en compagnie de Bernie dans ce second tome et il me tarde de le retrouver pour le troisième. Je ne peux que vous recommander la lecture de cette trilogie, même si elle paraît effrayante avec ses 1015 pages ! Mais, je vous assure que les pages se tournent rapidement tellement on se retrouve vite pris au piège dans ce polar noir !

Note finale : 9.6/10

  • Histoire : 10/10 (Rien à redire, une histoire qui commence en douceur mais dont l’intensité augmente crescendo au fil du roman)
  • Personnages : 8.7/10 (J’ai décidé de descendre un peu la note car je n’aime pas trop le côté séducteur de Bernie. Il émet des jugements assez superficiels sur les femmes qui me dérangent par moments. Ceci dit, j’aime toujours autant son côté « humour cynique » et j’ai hâte de le retrouver juste pour ça !)
  • Écriture : 10/10 (rien à redire, je me suis totalement familiarisée avec le style de l’auteur et j’ai apprécié les quelques notes explicatives en bas de page)
Je remercie le Livre de Poche pour la confiance qu’ils m’ont accordée dans le cadre de ce Prix des Lecteurs 2010 « polar » !

La trilogie berlinoise, tome 2 : La pâle figure (Titre VO : The pale criminal)
Publié en 1994 par les Éditions du Masque, puis en intégrale auprès du même éditeur en 2008. Sortie au Livre de Poche en janvier 2010.
1015 pages pour la trilogie intégrale au format poche

Commentaires

  1. J'ai de plus en plus envie de le découvrir :D 17 février 2010 13:01

  2. Bon, de plus en plus convaincue, déjà que le tome 1 tu étais enthousiaste... alors, là, c'est clair, ce sera un de mes prochains achats !! 17 février 2010 13:49

  3. Le contexte historique ne me disait rien qui vaille mais quand on lit ta critique, ça donne vraiment envie de découvrir cette trilogie ! Un jour peut-être dans ma PAL ! :) 17 février 2010 15:55

  4. J'étais déjà emballée lorsque j'ai lu ta chronique du tome 1 mais là c'est sûr et certain ce livre sera un de mes prochains achats. 18 février 2010 15:16

  5. En retard, toujours en retard comme le Lapin d'Alice, je viens de mettre en ligne ma critique de ce second tome de la trilogie : et nous sommes encore d'accords. Ce second opus est une petite merveille tout comme le premier volet. Le troisième se déroulant dans le Berlin occupé par les Soviétiques après guerre devrait apporté une toute nouvelle ambiance il me semble. 21 février 2010 13:42

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